Puits de lumière
Quand la modélisation paramétrique s’invite en phase EXE, et que la meilleure solution vient parfois d’un pas de côté
Contexte
Dans la réhabilitation d’un vaste immeuble tertiaire du quartier central des affaires à Paris, cinq puits de lumière descendent jusqu’au sous-sol pour apporter un éclairage naturel au foyer.
Objectif
Concevoir une transition douce entre les cheminées carrées visibles dans la cour et les plafonds ronds du foyer, où s’insèrent des luminaires circulaires.
Impact
Ce projet, développé jusqu’en R&D paramétrique, interroge notre rapport à l’exécution : quand faut-il défendre une intention complexe, et quand faut-il s’effacer devant une évidence construite ?
Dans la grande cour intérieure du 59 rue Lafayette, cinq puits de lumière carrés s’élèvent comme des cheminées et traversent les étages pour descendre jusqu’au sous-sol. Là, dans le foyer, le plafond devait accueillir des luminaires circulaires. Le projet proposait alors une transformation progressive : faire évoluer la forme carrée du puits en un cercle doux, à travers une transition subtile.
Sur le papier, l’idée était claire. En chantier, elle l’était moins.
Le dessin du marché restait ambigu. L’entreprise comprenait l’ensemble comme deux volumes imbriqués : un tunnel carré, puis un cône rond. Une cassure nette. L’équipe de maîtrise d’œuvre nous sollicite alors pour mieux dessiner l’intention — avec, évidemment, des tailles de carrés et de ronds différentes pour chaque puits.
Plutôt que redessiner cinq fois, nous ouvrons Grasshopper et modélisons l’ensemble de manière paramétrique, anticipant les modifications à venir. Et elles arrivent, par petites touches, parfois à plusieurs mois d’intervalle. Chaque ajustement est rapide grâce au modèle intelligent. On affine, on simplifie, on pousse même jusqu’à suggérer un mode de fabrication : une ossature découpée dans une plaque, à assembler comme un puzzle.
Mais l’entreprise, jugeant la méthode trop coûteuse, revient à une forme plus directe. Un tunnel carré, puis un tunnel rond. Rien de progressif.
Sur le moment, c’est frustrant. On a l’impression d’avoir trop conceptualisé, trop intellectualisé. Pourtant, avec le recul, cette exécution fonctionne très bien. Vue depuis la cour, le carré reste net. Vue depuis le foyer, seul le cercle subsiste. Ce n’est que pile en dessous que l’on devine la coexistence des deux formes. La perception reste lisible, presque plus poétique dans sa simplicité.
Ce projet nous a rappelé une chose importante : parfois, on mobilise une énergie folle pour protéger une idée, alors qu’un pas de côté — même imposé — peut révéler une solution plus juste. Quand ce pas de côté est choisi, on l’accueille volontiers. Quand il est subi, c’est plus amer. Mais dans ce cas précis, il n’y avait peut-être pas meilleure issue.
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